Femmes d’El Haouz : inégalités structurelles et reconstruction par l’autonomisation

Article rédigé par l’Association Ennakhil

Association Ennakhil

Fondée en 1997 à Marrakech, l’Association Ennakhil est une organisation non gouvernementale de développement engagée pour la promotion de l’égalité des droits humains et l’ancrage de la démocratie participative au Maroc. Ennakhil intervient auprès des populations vulnérables pour lutter contre toutes les formes de violence basées sur le genre, et pour renforcer les capacités citoyennes, juridiques, sociales et économiques, en particulier celles des femmes et des jeunes.

À travers ses pôles thématiques droits et justice, autonomisation économique, démocratie et participation, l’association développe des approches de proximité innovantes, visant à réduire les discriminations et les inégalités par le renforcement de la résilience, notamment via l’autonomisation économique des personnes vulnérables. Elle anime un espace de dialogue sur les droits des femmes et les politiques publiques liées au genre, tout en accompagnant la mise en œuvre de politiques locales inclusives.

Femmes d’El Haouz : inégalités structurelles et reconstruction par l’autonomisation

Le séisme dévastateur survenu le 8 septembre 2023 dans la province d’El Haouz a mis en lumière, de manière brutale, la vulnérabilité des populations locales face aux catastrophes naturelles. Parmi elles, les femmes et les jeunes filles ont été particulièrement touchées, non seulement en raison des pertes humaines et matérielles, mais aussi à cause des inégalités structurelles déjà présentes dans leur environnement social, économique et institutionnel. Ce choc a agi comme un révélateur, accentuant des fragilités préexistantes liées au genre.

Dans un territoire rural marqué par un faible accès à l’éducation, à l’emploi formel et aux services publics, les femmes subissent de multiples formes de marginalisation. L’analyse des données sociodémographiques et économiques de 2024 montre des écarts criants entre les sexes, que  ce soit en matière de scolarisation, de participation au marché du travail ou de sécurité résidentielle. Ces inégalités limitent fortement leur capacité à faire face aux crises, à reconstruire leurs moyens de subsistance et à participer activement à la relance économique locale.

Profils sociodémographiques et inégalités de genre

 La province d’Al Haouz, située dans la région de Marrakech-Safi, compte 642 815 habitants selon le RGPH 2024 , dont 9,4 %  est en situation de pauvreté multidimensionnelle. La province compte 48,3 % de femmes, qui vivent majoritairement en milieu rural, ce qui accentue les inégalités d’accès aux services. Les disparités éducatives sont marquées : 50,5 % des femmes âgées de 15 ans et plus sont analphabètes, tandis que moins de 4 % atteignent le niveau supérieur. Cette exclusion scolaire limite fortement leur autonomie économique. En effet, seulement 6 % des femmes participent au marché du travail, contre près de 40 % pour l’ensemble de la population. Parmi celles qui travaillent, plus de la moitié sont salariées du secteur privé, souvent dans des conditions précaires, et 3,3 % sont aides familiales, un statut non rémunéré. Le taux de chômage chez les femmes actives atteint 27,3 %, révélant une forte insécurité professionnelle. Sur le plan des conditions de vie, 52,1 % des ménages vivent dans des maisons marocaines traditionnelles, avec une taille moyenne de 4,3 personnes par foyer. Enfin, 80,4 % des femmes parlent exclusivement le tachelhit, ce qui constitue une barrière supplémentaire à l’accès à l’information et aux services publics. Cette combinaison de facteurs sociaux, économiques et linguistiques creuse les inégalités de genre dans la province.

Dans ce contexte, il devient urgent de repenser les modalités d’intervention publique et associative en plaçant l’autonomisation des femmes au cœur des stratégies de développement. C’est dans cette optique qu’intervient le projet « Réhabilitation, Autonomisation, Espoir », une initiative est soutenue par FAME dans le cadre du premier Appel à Manifestation d’Intérêt au Maroc,      visant à renforcer la résilience économique des femmes et jeunes filles affectées par le séisme. En articulant analyse de la situation, renforcement de compétences, accès au financement et accompagnement, ce projet propose une réponse concrète, durable et inclusive. Il constitue une opportunité de transformer la crise en levier de changement, en inscrivant l’égalité de genre au cœur des dynamiques de reconstruction et de développement territorial.

Un projet de résilience économique post-séisme

Face à ces constats, le projet « Réhabilitation, Autonomisation, Espoir » entend contribuer au renforcement de la résilience économique des femmes et des jeunes filles dans les communes sinistrées d’Asni et Moulay Brahim. Sur douze mois, à partir de mars 2025, 340 bénéficiaires directes seront accompagnés dans un parcours de relance économique. Le projet s’articule en quatre phases : évaluation, formation professionnelle, accès au microfinancement, et suivi post-création. Il cible trois secteurs clés : l’agriculture durable, l’artisanat et les services. Des formations en gestion, associées à des partenariats financiers locaux, soutiendront la création ou la relance d’activités génératrices de revenus. L’objectif est triple : promouvoir l’égalité économique dans la reconstruction, renforcer les compétences des femmes, et faciliter leur accès aux ressources. En plaçant les femmes au cœur de la reprise, ce projet contribue à une reconstruction juste, durable et inclusive du territoire d’El Haouz.

 

Les prochaines activités prévues sont trois sessions de formation sur l’agriculture, l’artisanat et les services au profit de 30 femmes et jeunes filles, de même que quatre sessions sur l’entrepreneuriat, le montage de business plans et le marketing ainsi que des sessions de formation sur la création et la gestion de coopératives. Ces actions visent à renforcer leurs compétences professionnelles, notamment dans les secteurs clés de production et à faciliter leur accès aux ressources financières pour lancer des projets générateurs de revenus ou des initiatives collectives.

 Malgré les inégalités structurelles qui les freinent, les femmes d’El Haouz portent en elles une formidable capacité de résilience. Avec le projet « Réhabilitation, Autonomisation, Espoir » , en valorisant leurs compétences et en soutenant leur autonomie économique, c’est tout le territoire qui se reconstruit plus fort et plus équitable. L’avenir d’El Haouz se dessine au féminin. Et il s’annonce solidaire, durable et porteur d’espoir.     

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