Article rédigé par l’Association Nabta avec le soutien du Geres
Créée en 2015, Nabta Maroc est une association de développement local qui œuvre dans les domaines de l’insertion sociale et professionnelle, l’éducation et la protection de l’environnement. Ses actions ciblent particulièrement les femmes et les jeunes issus de milieux précaires, ruraux ou péri-urbains. L’association cogère un centre social multifonctions à El Menzeh (Préfecture de Skhirate-Témara) avec l’Entraide Nationale, ce qui lui permet de délivrer des formations diplômantes en cuisine, pâtisserie, informatique, jardinage et couture reconnues par l’Etat.
Au cours de ses années d’expérience dans le domaine de la formation, l’association a constaté les nombreuses difficultés auxquelles sont confrontés les nouveaux diplômés : faible niveau scolaire de base, manque de confiance en soi, préjugés liés au genre et à la condition sociale, peur de s’exprimer en public, difficulté d’élaborer des projets viables, manque d’expérience en gestion financière et commercialisation…
Nabta Maroc a donc entrepris cette année, à travers le projet : Nabta Inserpro – un projet de 12 mois soutenu par le Geres dans le cadre du projet FAME – de proposer un programme d’accompagnement pour amener les stagiaires des formations à reconnaître, développer et valoriser leurs compétences sur la base de leur projet professionnel. Ce dispositif d’accompagnement a débuté par un tronc commun visant à faire tomber les préjugés liés au genre, améliorer l’estime de soi, et identifier les compétences professionnelles et transversales. Cet article présente en exclusivité les premiers résultats obtenus.
Lutter contre les discriminations basée sur le genre et s’émanciper des préjugés pour favoriser l’insertion économique
Les discriminations basées sur le genre constituent la première cause du manque d’insertion économique des femmes dans le monde. Afin de lutter contre ces obstacles, l’approche par les droits a d’abord été abordée, en informant les participantes et participants sur l’importance de la déclaration universelle des droits de l’homme : le droit à la vie, à la liberté de pensée, à la propriété, à la liberté d’opinion et d’expression… Malgré son nom, la déclaration des droits de l’homme s’applique tout aussi bien aux femmes, c’est pourquoi on utilise aujourd’hui le terme « droits humains » pour parler de ces droits. Sur cette base, les thèmes des inégalités et des discriminations ont été abordés, des droits humains fondamentaux qui sont négligés sur des bases illégitimes tels que le simple fait d’être une femme. Les bénéficiaires ont été encouragés à faire valoir leurs droits et à lutter contre ces formes d’injustice et de violences conformément à la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW),ratifiée parle Maroc en 1993.
Le mot de la formatrice : « Les participant(e)s ont pu tirer des enseignements précieux qui les aideront à mieux appréhender les défis de la vie, et lutter contre diverses formes de discrimination auxquelles ils peuvent être confrontés »
Cette séance s’est étendue bien au-delà du cadre législatif des droits des femmes. Ils s’agissait également de révéler les préjugés existants au sein des participants au programme d’accompagnement. A ce titre, l’animatrice a demandé aux participants de décrire sur des post-it leur vision du rôle des hommes et des femmes en société. Les opinions sont unanimes: l’homme fait des études, travaille et gagne de l’argent; la femme s’occupe du foyer, des enfants et des tâches ménagères. Cet exercice très simple a stimulé de nombreux échanges avec l’animatrice, qui s’est chargée de dissiper les constructions sociales identifiées parle biais d’exemples concrets tirés du monde réel, dans lequel les femmes sont tout aussi capables de remplir des tâches typiquement attribuées aux hommes, et vice versa. Ces remarques ont été très bien accueillies par les stagiaires, qui ont donné des appréciations très positives par rapport aux débats engagés pendant la formation.
Les discussions engagées sur les stéréotypes de genre ont permis d’établir une atmosphère de confiance dans laquelle les participant.e.s ont partagé leurs expériences personnelles de discrimination sociale, un premier pas pour s’unir dans la lutte contre les inégalités de genre.
L’ESTIME DE SOI COMME LEVIER D’INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE
Avant même de construire son projet professionnel, il faut savoir prendre le temps de considérer les options disponibles, et choisir celle qui correspond le mieux à ses valeurs, ses envies, ses compétences et sa personnalité. Cette étape importante doit absolument se passer de pensées restrictives, comme « je n’y arriverai jamais », « que va penser mon mari? », ou « qu’en dira-t-on ? ». C’est l’objet de la première partie du projet Nabta Inserpro : les participant.e.s s’émancipent de ces préoccupations superflues pour se consacrer à leur développement personnel, via l’élaboration d’un projet de vie personnel et professionnel.
La connaissance du «moi » : vecteur de changement de mentalité
Trois séances de développement personnel ont été organisées pour amener les stagiaires à réfléchir sur leur «moi » ; ce qui les définit, ce qui leur fait défaut, ce qui leur fait du bien, et leurs aspirations. Il s’agissait pour l’animatrice de définir un point de départ pour chaque bénéficiaire, à partir duquel ils pourront évoluer vers un objectif qui leur est propre.
Au cours de la première séance, les participants ont eu l’opportunité d’utiliser la « roue de la vie », un outil simple et intuitif visant à évaluer graphiquement leur niveau de satisfaction dans les différents domaines clés de la vie (famille, santé, carrière, religion etc.). Elles et ils ont ainsi pu identifier des déséquilibres, des aspects importants de leur vie quotidienne qu’ils souhaiteraient améliorer. Au cœur de cette activité se cache une notion essentielle : le « growth mindset » ou mentalité de croissance, selon laquelle le «moi » n’est jamais fixe, il est en constante progression et son avenir est entre nos mains. Les pensées négatives telles que « je suis un(e ) incapable » ou « j’ai raté ma vie » n’ont donc plus lieu d’être. Chaque individu est capable de faire évoluer les choses pour atteindre son propre équilibre dans la roue de la vie.
Le mot de la formatrice : « Cette prise de conscience va les encourager à adopter un nouveau mode de vie plus harmonieux et en accord avec les valeurs de tolérance et du respect de l’autre »
Les stagiaires ont également appris à utiliser l’outil IKIGAI, une méthode pratique permettant de construire un projet professionnel en adéquation avec son «moi », ses compétences, ses objectifs de vie et les besoins du monde. Un point de départ essentiel pour atteindre une harmonie durable entre vie perso et vie pro. Cette introduction au développement personnel a suscité de nombreux échanges, des partages d’expériences, de points de vue, et des réflexions profondes sur le sens de la vie. En l’espace de 2h30, l’animatrice a su se servir de ces témoignages pour cultiver un état d’esprit positif chez les participants, de manière à ce que chaque obstacle vécu ne soit plus considéré comme un frein, mais comme une opportunité d’apprentissage vers un objectif personnel et/ou professionnel.
Communication non violente (CNV) et gestion de conflits: les clés pour mieux s’intégrer au travail et en société
Les violences verbales régulières, systématiques qui visent à faire du mal, humilier et menacer les femmes font partie des violences basées sur le genre, au même titre que les violences physiques ou sexuelles. Aucune femme ne doit subir ces violences, que ce soit au sein du foyer ou dans la sphère publique. Si une personne subit ce type de situation, elle peut en parler à une association spécialisée.
Dans le cadre d’une relation saine et exempte de violence, la communication reste complexe et les conflits peuvent arriver. Une meilleure connaissance du «moi » est essentielle pour aborder la question du rapport à l’autre. C’est donc sur les bases du développement personnel que se sont articulées les séances de communication non violente (CNV) et de gestion de conflit. Au cours de ces deux séances de 2 heures animées par Mme Latifa Benayad, les participants ont appris à adopter une attitude calme, respectueuse et empathique lors de leurs communications.
Cet apprentissage de vie passe par la pratique d’une communication impeccable, dont une expression verbale, vocale et corporelle bien réfléchie. L’animatrice a également souligné la nécessité d’un travail considérable sur soi pour ne pas prendre les critiques ou les désaccords personnellement, éviter tout jugement infondé, et privilégier l’expression claire et posée des sentiments aux attaques verbales non contrôlées. Toutes ces astuces ont été mises en pratique sous la forme de jeux de rôle inspirés du vécu : un voisin qui vient souvent chez vous sans prévenir, le téléphone d’un collègue qui sonne pendant les cours, quelqu’un qui prend vos affaires sans autorisation…
Le mot de la formatrice : « Les participantes ont compris que maîtriser la CNV est un atout essentiel pour mieux vivre et collaborer, que ce soit dans un cadre professionnel ou personnel, en favorisant des relations harmonieuses et constructives ».
En participant activement aux ateliers proposés, les stagiaires ont partagé leur propre vécu du conflit, nourrissant de riches discussions avec leurs collègues et l’animatrice. Il en est ressorti que certaines formes de violences verbales peuvent être présentes au sein des foyers, d’où l’importance de ces séances pour mieux comprendre l’autre et réagir avec diplomatie face aux confrontations. Il s’agissait aussi de démontrer aux bénéficiaires qu’ils et les pouvaient tirer profit des différends : si les deux parties sont engagées dans la communication non violente, derrière chaque désaccord se cache une opportunité d’apprentissage, de remises en question et d’échanges constructifs qui contribuent au développement personnel de chacun.es.
Conclusion
Le dispositif d’accompagnement Nabta Inserpro prévoit, à la suite du tronc commun, 3 parcours au choix : salariat, auto entreprenariat et création de coopératives. Des séances introductives à l’auto entreprenariat, à la création de coopératives, à la comptabilité et à la trésorerie ont déjà eu lieu, et ont permis aux participants d’avoir un aperçu des différents parcours avant de faire leur choix.
Chaque parcours de formation s’effectuera en parallèle de sessions d’accompagnement individuel gérées par l‘Agence Nationale de Promotion de l’Emploi et des Compétences (ANAPEC) . Au total, 6 mois de suivi personnalisé sont prévus pour permettre à chaque stagiaire de construire son projet pas à pas, sur des bases solides. L’ANAPEC fera également connaître aux stagiaires leurs droits en tant que travailleurs ou chercheurs d’emploi, et leur remettra tous les outils d’accès à l’emploi nécessaires pour évoluer sereinement sur le marché du travail en toute autonomie.